Viol : pourquoi en Afrique, les femmes signalent rarement les agressions sexuelles contre elles ?

10 janvier 2022 à 07h00 - 698 vues

  • ''Imaginez à six ans, on vous introduit des choses dans le vagin, c'était tellement douloureux que je n'ai pas envie d'y repenser parce que sinon je vais pleurer''

    Entre la petite enfance et l'adolescence, Anissa (nom d'emprunt) sera victime de multiples viols.

    La première fois a lieu lorsqu'elle n'a que 6 ans.

    Une parente proche la viole régulièrement pendant des mois et la menace de la tuer si elle ose parler.

    La petite fille terrorisée se tait.

    Mais elle se referme petit à petit sur elle-même et devient agressive.

    ''Les répercussions sont terribles ,j'ai gardé ce traumatisme-là, je n'ai jamais guéri, j'espère guérir un jour''

    Elle est victime d'un second viol à l'âge de 18 ans, perpétré par un des organisateurs d'un concours de beauté auquel la jeune fille prend part.

    Ces souvenirs douloureux, la jeune trentenaire les évoque difficilement encore aujourd'hui, même si elle a décidé de briser le silence pour ''sensibiliser'' les autres sur ce fléau.

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    Anissa a trouvé le courage aujourd'hui de se raconter, quitte à endurer d'autres types de violences, si cela peut aider ses compatriotes à prendre conscience de l'ampleur des viols sur les femmes dans le pays et des ravages qu'ils font.

    A ce jour, cette jeune camerounaise n'a jamais obtenu justice pour tous les crimes commis à son encontre.

    Elle n'a même jamais porté plainte.

    ''J'avais peur que mon père le sache, j'avais peur. Déjà dans ma famille, on disait que je faisais des choses de prostituées en participant à des concours de beauté. Ils auraient dit que je l'avais bien cherché donc je n'ai rien dit''.

    La loi de l'omerta

    ''Le silence est l'unique refuge des victimes de viols au Cameroun ; il y'a une telle négation de la parole des victimes !''.

    C'est l'écrivain Félix Mbetbo, auteur du controversé '' Coupez leur le zizi'' qui le dit.

    œuvre est un recueil de témoignages de survivantes de viol.

    La loi du silence, c'est ce que dénoncent les acteurs qui évoluent dans la lutte contre le phénomène dans le pays, qu'ils soient juristes, activistes, ou même victimes.

    ''La culture du viol atteint son paroxysme au Cameroun''

    Certaines victimes racontent qu'elles essuient des insultes lorsqu'elles se rendent au poste de police pour porter plainte confie Minou Chrys-Tayl.

    Pour l'activiste, les hommes et les femmes vont d'abord dénigrer la victime surtout si ''elle a une tenue jugée inadéquate, surtout si elle a des formes qu'ils jugent provocantes . c'est-à-dire on ne prend pas en compte la réalité des faits. On va aller plutôt sur toute la culture du viol qu'il y a autour.''

    La prise en charge des victimes

    ''Il faut que les gens comprennent que violer une femme, c'est créer en elle un traumatisme violent dans sa mémoire qui sera appelé à se réveiller à cause des délencheurs autour d'elle et qui va créer des dysfonctionnements pour sa santé mentale et physique plaide'' Minou Chrys-Tayl.

    Dans la prise en charge des survivantes, il y a le réseau national des tantines (RENATA) qui se distingue dans le pays. Le RENATA est un réseau qui regroupe plus de 15 000 filles-mères formées comme tantines dans plus de 305 associations au Cameroun.

    Le RENATA dispose d'une équipe multidisciplinaire constituée de psychologues, d'anthropologues et de spécialistes en communication et collabore avec un réseau important de tantines et d'acteurs intervenant sur les questions de viol et d'inceste.

    • Par Awa Cheikh Faye

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